Guide de la santé mentale dans le canton de Berne
Guide de la santé mentale dans le canton de Berne
« Est-il vraiment prêt ? »
Felix Moser*, la quarantaine bien entamée, est cadre dans le secteur de l’ingénierie. Il consulte depuis deux ans un collaborateur de la Croix-Bleue. Celle-ci propose des conseils aux personnes ayant des problèmes d’alcool ou souffrant d’une autre dépendance, ainsi qu’à leurs proches et à leur famille. Les consultations sont gratuites et assurées par des spécialistes qualifiés tenus au secret professionnel.
Felix Moser et son conseiller, Stephan Streit, racontent leur « collaboration ».
Monsieur Moser, comment s’est déroulée votre première consultation ?
Felix Moser : J’ai été surpris par le fait que ma consommation d’alcool, dont je savais qu’elle était problématique, soit prise très au sérieux. Dans mon entourage, les gens ne voyaient pas les choses de la sorte. J'ai beaucoup apprécié que l’on ne me dise pas que ce n’était pas si grave.
Pour commencer, nous avons tout mis à plat, des valeurs ont été mesurées et j’ai dû remplir des documents. Les gens du service cherchaient à savoir si j’étais vraiment prêt à entreprendre cette démarche. J’ai dû prouver que j’étais réellement motivé. Les consultations ont ensuite pu commencer.
Monsieur Streit, avez-vous été surpris par quelque chose ?
Stephan Streit : J’ai été impressionné par la grande quantité d’alcool que Monsieur Moser a consommée au fil des ans et à quel point il a mis sa santé en danger. Son cas n’était pas anodin. Il parvenait certes à s’en tenir à une consommation contrôlée pendant plusieurs jours et sur plusieurs week-ends, mais il faisait toujours des rechutes, parfois franchement dangereuses. Monsieur Moser a choisi de suivre le programme de « consommation contrôlée » qui comprend dix étapes. Il a d’emblée déclaré qu’il voulait continuer à boire de l’alcool, car cela fait partie de notre culture, mais il tenait à réduire sa consommation.
Monsieur Moser, qu’est-ce qui vous a poussé à vous adresser au service de consultation ?
Felix Moser : Lorsque j’allais à une fête, je finissais toujours par me soûler. Cela m’a valu des mésaventures et des humiliations. Je voulais remédier à ce problème. Au début, je tenais surtout à changer l’image que je donnais de moi. Avec le temps, j’ai pris conscience de ce que j’infligeais à mon corps, en plus de la gueule de bois…
Vous avait-on fait des réflexions ou avez-vous remarqué vous-même le regard des autres ?
Felix Moser : Il y a des choses que j’ai perçues moi-même, mais j'ai aussi eu droit à des observations, sarcastiques parfois : « Ah, c’est comme ça que tu as fini hier soir ! » C’était très pénible.
Monsieur Streit, ce genre de situation est-il habituel ?
Stephan Streit : Oui. C'est souvent la pression extérieure qui motive les gens. Ils sont conscients du problème et essaient pendant des années de boire moins. La réflexion sur soi et le processus de guérison ont déjà commencé. La personne comprend qu’elle contrôle de moins en moins sa consommation et que son entourage réagit en s’inquiétant.
Felix Moser : C’est exactement ce qui m'est arrivé. On me disait : « Fais attention ! » Cela partait d’une bonne intention. Les autres buvaient également, mais pas autant.
Comment cela s’est-il passé dans votre cas ?
Felix Moser : Très bien. Ce sont des amis proches qui ont abordé le sujet et ils ont le droit de le faire. Ce fut dur à entendre, mais ils me témoignaient aussi leur soutien.
Beaucoup de gens essaient pendant longtemps, mais en vain, de régler leur problème d’alcool eux-mêmes ? Comment une consultation permet-elle d’y parvenir ?
Stephan Streit : La différence, c’est que la consultation amène la personne à prendre vraiment conscience du problème. L’un de nos premiers entretiens a servi à déterminer la quantité effective d’alcool que Monsieur Moser consommait. Il s’agissait d’établir des faits. Tout semblait bien aller : Monsieur Moser menait une belle carrière professionnelle, il se sentait bien en famille et ne réalisait même pas la place que l'alcool occupait dans son existence. En parallèle, nous avons examiné la fonction de l’alcool. Il faut pour cela établir une relation de confiance, car l’introspection doit être sincère. Il ne s’agit pas de faire la morale. Nous abordons des sujets restés tabous pendant des années, car ils suscitent de la honte.
Monsieur Moser, à quoi vous ont servi ces consultations ?
Felix Moser : Aujourd’hui, je considère ma consommation tout autrement. Je suis plus conscient : « Là, je bois une dose d’alcool et en voici une deuxième. Est-ce le moment de ralentir ? » Avant, je n’y pensais pas, car il est agréable de boire en bonne compagnie et ce plaisir, je l’éprouve toujours. À présent, c’est un peu plus compliqué, mais me lever le matin et entamer le week-end sans mal au crâne, c’est le top ! Au début, j’en étais parfois euphorique. Je me disais souvent : « C’est super ! J’ai réussi ma cure ! » Cela fait désormais partie de la normalité.
Les consultations prennent-elles fin un jour ?
Stephan Streit : Bien sûr. Nous calquons notre travail sur les objectifs des gens eux-mêmes. Monsieur Moser a atteint son objectif principal, à savoir ne plus faire de rechute dangereuse. Quant à son objectif de ne plus trop boire, il est dans la dernière ligne droite. Il connaît les risques, il a appris à prévoir, il dispose d’outils et a un plan d’urgence.
Monsieur Moser, comment souhaiteriez-vous vous sentir lorsque les consultations prendront fin ?
Felix Moser : Je voudrais profiter d’une meilleure qualité de vie, ressentir moins d’effets physiques et avoir plus de temps pour des activités que j’apprécie.
Quelles sont-elles ?
Felix Moser : Faire du vélo de montagne par exemple, surtout dès le matin et non pas seulement en fin d’après-midi.
* Nom d’emprunt.